A PROPOS DE ...

(Quelques extraits d'articles)


Samson a soif    (1943)

"… Le style de ces étonnantes pages, un peu forcé au début, coule bientôt, abondant, sûr, facétieux, d’une syntaxe souple et du vocabulaire le plus osé à la fois, et le plus juste. On songe, non à Le Sage, mais à Rabelais et à M. Céline, ce qui ne serait pas pour M. Molaine un médiocre parrainage. C’est la première oeuvre qu’il nous donne. Elle est considérable par sa portée comme par son exécution."

Gonzague TRUC

(Gonzague Truc (1877-1972) est un critique littéraire, essayiste et biographe français)


Samson a soif de Monsieur Pierre MOLAINE est un livre d'accusation. C'est la biographie lyrique d'un jeune homme pauvre, né à la campagne et qui finit par devenir commis du service central de l'administration des Contributions à Paris. Il étale sa vie. "Par mon histoire, semble-t-il dire, jugez de la méchanceté du monde."... Comme chez Céline, le héros de M. Pierre Molaine s'écrie textuellement : « A poil l'humanité », après quoi il lui reste à conter ses désillusions sentimentales de commis au cœur pur et les grandes misères que lui fait son administration.

Poésie, 1944, Numéros 11 à 16, page 101

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Violences    (1944)

(La première édition de Violences a été détruite par l'autorité allemande d'occupation en 1943)

"L'admirable talent de conteur de Pierre Molaine nous conquiert et nous subjugue par l'intensité et la force de l'accent dès les premières pages de Violences... En un temps où la sécheresse et une platitude précieuse ont tant de serviteurs dans les Lettres, louons un écrivain dont la verve est toujours savoureuse et qui, en témoignant d'une sorte de puissance, atteint dans ses commentaires à une rare pénétration, dans ses tableaux et ses portraits à une vérité intense."

Jacques de LAPRADE, 1945

(Jacques de Laparade (1903-1984) est un journaliste, historien, critique d'art et critique littéraire)


"Ce qui intrigue dans ce livre et le vigoureux tempérament qu'il atteste, ce n'est pas le roman mené à toute allure et dont on ne peut se détacher dès l'instant qu'on y est entré ni ses personnages véhéments; c'est l'auteur invisible sous son objectivité mériméenne  et qui laisse parler ses héros sans que l'on puisse deviner ce qu'il pense...S'il y a un prix Goncourt à décerner, voilà un lauréat tout trouvé."

Emile HENRIOT, Le Monde, 21 février 1945

(Émile Henriot (1889-1961) est un poète, romancier, essayiste  et critique littéraire français.)


"On comprend, après avoir lu le livre, la signification du titre que M. Pierre Molaine lui a donné. Le style est souvent bref, sac­cadé, presque haletant, et toujours dépouillé de toute convention. Les mots les plus crus viennent encore accentuer l'impression de violence qui se dégage de la plupart des situations exposées dans l'ouvrage.

Des scènes d'un réalisme puissant confèrent à certains passages je ne sais quelle âpre saveur de larmes et de sang.Tl n'est pas jus­qu'à cet amour coupable de Soltan Attrache pour sa belle-fille qui ne marque l'irrésistible entraînement des forces intérieures _déterminant les moindres gestes des principaux personnages. ' Et parfois une note d'une délicate poésie jette un son clair au milieu de cette brutale orchestration."

Lucien MOROT, L'actualité littéraire PARU, mars 1945


"Pierre Molaine (1906-2000) est l’un de nos plus grands écrivains de guerre.

Plus que cela, il est sans doute l’un de ceux qui aura le mieux mis en scène la colère et la violence, qu’elles soient liées aux champs de bataille, à la personnalité d’un homme ou consubstantielle à l’humanité.Dans les tanks, dans un hôpital, dans la paresse ou la vengeance, partout le monde s’enflamme sous la plume de Molaine. Plus qu’un témoin de guerre, plus qu’un sondeur d’abîme, il est aussi un styliste extraordinaire qui cisèle une langue brûlante, fougueuse, marquante. Il maîtrise à la perfection son outil.

Par la voix presque exclusivement à la première personne de ses nombreux romans il tisonne jusqu’à nos âme pour y graver une malédiction sans fin. Lire Molaine c’est entrer en guerre avec les mots, sans savoir s’ils sont nos alliés ou nos ennemis, sans savoir si ses personnages sont des monstres de bravoure ou d’inhumanité.

Violences raconte le destin sanglant de Ter Korsakoff, de Soltan Attrache et Piotr Petrovitch dont « la laideur pétrifie le monde ». Tous trois forment une équipée sauvage réunie une première fois dans la mort que de nouvelles retrouvailles renverront de charniers en charniers jusqu’au seul sort qui vaille pour eux.

Il faut plonger, oui, il faut plonger au plus bas et ne pas en revenir."

 Le monde en feu (Violences (1944), Pierre Molaine 

 (Podcast littéraire sur YOUTUBE  où, dans une présentation audiophonique finement analytique, 

il est rendu  hommage à Pierre MOLAINE et à son oeuvre.)

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Batailles pour mourir    (1945)

"Batailles pour mourir n'est pas un roman au sens que l'on donne ordinairement à ce mot, encore que le romanesque y ait sa part, qui n'est pas la meilleure. J’y verrais plutôt une manière de récit épique; oui, c'est cela, Batailles pour mourir c'est l'épopée des chars, de nos chars trop peu nombreux qui, dans le drame où sombrèrent tant de valeurs qu'on croyait plus solides, contribuèrent à sauver l'honneur."

Roger GIRON (1900-1990), journaliste, critique littéraire et homme politique.

 

"Violences et Batailles pour mourir forment une apologie de la bravoure, conçue comme une vertu cardinale qui dispense de toutes les autres"

René LALOU, Les Nouvelles littéraires

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Mort d'homme    (1946)

"A vrai dire, depuis les pages hallucinantes du début de La Condition humaine, où l'on voit Tchen se délivrer, croit-il, de lui-même, par le meurtre d'un homme endormi, nous n'avions rien lu d'aussi vrai, sur l'incapacité profonde de l'homme à concevoir ce qu'est  la mort, que le chapitre où Christian, caché dans un tuyau d'irrigation, attend le passage du tank qui va sans doute le broyer..."

Jean ROUSSELOT (1913-2004), poète, critique, romancier français.

 

"... Pierre Molaine nous dessine une image du héros moderne; ce héros est en général un homme d'une élégante brutalité qui cultive avec un candide orgueil, jusque dans la voie du sarifice, du martyre, une attitude toujours dédaigneuse."

Les Lettres françaises,  23 août 1946


"De l'hsitoire d'un lâche, ou du moins d'un peureux, faire une oeuvre virile, d'un tissu serré et lustré, c'est assurément le plus grand mérite de Pierre Molaine. Peut-être n'a-t-il jamais rien composé de plus ramassé, de plus sobre, et cependant de plus vigoureux que Mort d'homme..."

Max-Pol FOUCHET, Fontaine, revue mensuelle de la poésie et des lettres francaises, 1946, Numéros 53 à 58, pages 662-663


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Les Orgues de l'enfer

(Prix Renaudot, 1950)


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Cimetière Saint-Médard    (1952)

"Pierre Molaine est ce romancier actuel qui écrit les plus inactuels des romans... Je ne puis faire autrement que de renvoyer à Victor Hugo, c'est-à-dire au maintien du style à la hauteur du pire, au paroxysme continu, au goût du théâtral... Le vrai est que les romans de Pierre Molaine sont excellents..."

Gabriel VENAISSIN, Témoignage Chrétien, 7 novembre 1952


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L'Itinéraire de la Vierge Marie  (1953)

Voir :   Spiritualité  (ou  cliquez sur Spiritualité)


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Satan comme la foudre   (1955) 

"Satan comme la foudre est certainement un des romans les plus robustes, les plus graves, les plus vririls qu'il nous ait été donné de lire cette saison. Il reflète les troubles et l'appétence pour le divin d'une génération qui, entre la matière et l'esprit, opte en fin de compte, après un rude combat intérieur pour l'au-delà de la chair."

Le Figaro littéraire, 14 mai 1955


"La composition de ce roman, caractéristique, elle aussi, du talent de Pierre Molaine, paraît assez désordonnée au premier abord. Il n'en n'est rien et l'on s'en aperçoit bientôt. L'auteur ne cherche pas le dialogue, mais plutôt le flux romanesque. Son récit, qui n'est jamais linéaire ni ordonné selon le temps, passe et repasse avec aisance des souvenirs au présent. Molaine excelle à mêler les plans sans les confondre. Il y a une véritable force dans ce qu'il écrit, une force instinctive, primitive, apparemment chaotique. A certains moments, Satan, comme la foudre... paraît remuer avec rage de la matière romanesque encore brute. Mais sa lucidité veille, ne perd jamais de vue le but, ni le chemin qui permet de l'atteindre."

Constant BURNIAUX, de l'Académie, Le Soir, 28 septembre 1955


"... Aujourd'hui,... il me semble que la réussite de Pierre Molaine est quasi parfaite..."

René LALOU, Les Nouvelles littéraires, 28 avril 1955


"De peu d'action, mais d'une grande puissance, ce roman, très habilement construit, est frémissant de la vie intérieure de son héros. Il plonge au plus secret de l'homme une lumière impitoyable mais pourtant charitable. C'est l'oeuvre belle et forte d'un peintre, d'un psychologue et d'un styliste..."

André DASSART, Les Fiches bibliographiques, 1955

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J'ai rêvé de lumière

(1963)


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La Bidoche  (1965)

"Avec La Bidoche (1965),Pierre Molaine a changé de ton. Ce roman burlesque et satirique n'en pose pas moins une question angoissée : que reste-t-il de toute une vie, hormis quelques heures heureuses, quelques souvenirs qui finissent par se confondre ?"

André BOURIN - Jean ROUSSELOT, Dictionnaire de la littérature française contemporaine, Larousse, 1966, page 175.


"Mais je m'en voudrais de ne pas souligner en terminant les mérites littéraires de cet ouvrage dont la langue, d'un bout à l'autre, remarquable par sa pureté et sa richesse, sait être tour à tour grave dans les réflexions, cocasse et dure dans le dialogue, poétique et musicale dans la description. Quelle leçon pour tant de romanciers modernes qui s'expriment comme des charretiers."

Raoul BECOUSSE, Réalité, mai 1965


" La Bidoche signifie ici la guenille qui nous est chère, disait le bonhomme Chrysale, notre corps, notre existence charnelle. On devine que le récit y est assez brutal, même féroce. Comme dans Le Bœuf, il se déguise pourtant en autobiographie, ce qui suppose une clairvoyance et un talent exceptionnels chez un narrateur aussi dégoûté de lui-même et persuadé de sa nullité. Postulat difficile ou amusant, il est censé déjà mort et en instance d'obsèques.

Ses mémoires fragmentaires, il nous les livre avec un sombre humour, avec un tel désir de plaider coupable qu'il force paradoxalement votre sympathie. La Bidoche dans cette catégorie, est très supérieure aux ouvrages de même inspiration. Une verve satirique suffirait à le mettre hors de pair. La clarté du style, la verdeur du langage, la netteté de l'imagination y tranchent sur les histoires nébuleuses que l'on nous conte pour nous suggérer que l'existence est vaine, la personnalité instable, la société stupide.

Le héros de M. Pierre Molaine a été officier, est devenu professeur, s'est marié, a été trompé par sa femme, n'a pu épouser la seule amie qui eût été capable de le comprendre et de l'aider à vivre. Il a le temps, gisant entre les cierges, d'assister aux querelles abjectes de ses héritiers, à l'impolitesse, à l'oubli qui enseveliront sa dépouille mieux que des draperies funéraires : et tous les vivants exécutent devant ce défunt une danse macabre qui pourrait le consoler d'être anéanti avant eux. Ses souvenirs militaires sont peut-être plus émouvants que ses déboires ou déceptions universitaires Mais surtout ses malheurs privés auraient plus de grandeur si le narrateur les avait mieux encadrés dans l'histoire publique, qui, en ce siècle, pèse lourdement sur chaque destinée. Même avec ces réserves, il fait tenir La Bidoche pour un des romans les plus forts et les moins faciles à oublier qui aient paru en ces dernières saisons."

André THERIVE, La Revue des deux mondes, 1967

(André Thérive, de son vrai nom Roger Puthoste, né en 1891, mort en 1967, est un écrivain, romancier, journaliste et critique littéraire français)

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 Le Sang

(1967)

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Pierre Molaine

Romancier de la guerre et de la mort

(Jean-Michel FORAY, La Vie lyonnaise, n°253, 8 avril 1971)


Kléber Haedens dans un de ses « feuilletons littéraires » de Paris-Presse disait de Pierre Molaine qu'il était un  romancier « qui a des épaules. » Voilà un romancier - de la violence, a-t-on dit - qui sait ce qu'est la guerre, l'amitié virile, les nommes. Bref, il connaît par expérience, pour l'avoir vécu, tout ce qui fait les thèmes ordinaires du roman. Cela suffit pour donner à ses textes un accent d'authenticité qui fascine le lecteur.

Ce Lyonnais d'adoption, et de longue date, a d'abord été fonctionnaire au service de l'Enregistrement; puis il adopta finalement la carrière des armes. Vint la guerre de 1939. Pierre Molaine était lieutenant - peu de temps après promu capitaine - dans un régiment de chars de combat stationné en Lorraine et dont le colonel commandant d'unité s'appelait Charles de Gaulle.

Après l'armistice de 1940, Pierre Molaine rejoint les rangs de l'Armée secrète. A la libération, il continuait un temps sa carrière militaire puis revint par la suite à la vie civile par l'enseignement des lettres dans un lycée technique lyonnais. Sa carrière littéraire, commencée avant la guerre avec un recueil de nouvelles Frères humains, se poursuivit sous l'occupation (quatre romans parurent, qui eurent des ennuis avec la Gestapo).

En 1950, le prix Renaudot lui était attribué pour un roman cruel, voire atroce, Les Orgues de l'Enfer. Ce roman qui met en scène des personnages insolites dans un service psychiatrique a la particularité de n'être pas un reportage : la caméra, si l'on peut dire, est dans la fosse aux serpents, et non plus à l'extérieur. Il s'ensuit une curieuse inversion du sens du regard.

D'autres romans ont paru depuis, Satan, comme la Foudre..., Le Sang, La Bidoche. D'autres encore sont en préparation, dont un consacré aux « guérilleros. »


Romancier de la guerre


Pour cet ancien officier qu'est Pierre Molaine, il est évident que la guerre est un thème nécessaire. « La Providence a parfois des attentions délicates en matière d'humour noir », dit-il. L'humour de Pierre Molaine sait goûter l'humour de la Providence, qui fait parfois de la guerre une farce. Les imbéciles - même proportion partout, affirme Molaine, dans les lettres, dans l'armée, dans l'enseignement - ont à la guerre une santé, une vigueur, une densité qui forcent l'admiration. Voilà bien, avec la guerre, les meilleurs morceaux, le premier choix de la matière romanesque.

Hélas, comme le constate le romancier, on ne peut plus de nos jours écrire sur la guerre. Le lecteur éprouve quelque lassitude, semble dire « encore un ! ». Pourtant, il importe de passer outre. Le pessimisme, le mépris, l'ironie féroce qui font de ses romans une littérature forte, au sens culinaire du terme, sont rejoints par l'humour, la sympathie.


Le sang


 Le Sang, paru en 1967, n'est pas une chronique récit, fresque ou panorama, de la guerre de 1939-1944, mais plutôt une synthèse des événements. Trois chapitres développent trois épisodes symboliques, dont l'unité est assurée pair le narrateur. Le premier épisode est daté : 1939. Le narrateur, lieutenant Lambda, officier de chars, assiste à la mobilisation générale en. Lorraine. Peu de choses, on s'en doute, sont imaginaires dans cette première partie du roman. Le personnage principal est, avec le lieutenant Lambda et le capitaine Matard, le colonel commandant d'unité, colonel De Gaulle. « Tel qu'il est, il me plaît et je ne l'aime pas » : cette remarque du capitaine Matard parlant du colonel, semble résumer l'attitude du romancier devant un personnage qui n'était pas seulement personnage de roman.

Le titre du roman de Pierre Molaine, c'est le colonel De Gaulle qui le trouva, involontairement. A la table du colonel, à l'heure du cognac, le narrateur rêve, pense tout haut : « Qu'est-ce qui n'est pas dévalué au temps que nous vivons ? « Le colonel lui jette un bref regard et répond avec un dédain étudié : « Le sang. »

Le second volet du roman nous introduit dans le drame et, par bien des aspects, nous fait songer aux romans noirs. Lambda, entré dans la Résistance, se lance avec un fascinant compagnon, Moravec, à la poursuite d'un traître.

Le troisième volet, Les Pendus, est occupé par le récit d'un dîner pantagruélique chez Matard, réfugié en Auvergne, dans un village où les SS viennent de pendre trois otages. Par la fenêtre, les convives voient se balancer les trois pendus au bout de leur corde, cependant que Matard étale son érudition gastronomique. A l'aube, Matard, otage numéro un, ira rejoindre les pendus.

On admire dans ce roman, des personnages qui ont en commun désinvolture, courage sans faste, forte capacité de mépris mais aussi un étonnant sens de l'honneur et de l'amitié, des images surprenantes, baroques ou loufoques, qui parlent d'une manière terriblement vraie d'une noire époque.


Une compagne fidèle

 De la guerre, nous passons tout naturellement à la mort, la compagne fidèle des romans de Pierre Molaine. Songeons à laCélébration de la Grenade, fruit et engin de guerre, et à l'admirable page qui ouvre ce texte, la mort du Sergent X. Songeons aussi àLa Bidoche : un homme imagine et raconte sa mort, ses obsèques, la vaine agitation autour de sa dépouille. Chez ce romancier de l'amitié virile, la mort est un élément féminin, dont il parle peu, mais qui est toujours présent.

Pierre-Henri Simon dit de Pierre Molaine qu'il est un moraliste de l'absurde. Peut-être. « Trois-quarts d'humour, un quart de mépris, un zeste de rosserie ». C'est le ton des livres de Molaine. Le sérieux, les accents profonds ne sont pourtant pas exclus, notes sombres sous le blindage de l'humour.


Jean-Michel FORAY , La Vie lyonnaise, n°253, 8 avril 1971


(Pierre MOLAINE à l'époque du roman Le Sang)